En 1931, dans un article prophétique intitulé « Fifty Years Hence », Winston Churchill imaginait nos modes de vie futurs : il y dépeint une société envahie de télévisions et « téléphones sans fil ». Un monde où l’élevage industriel a disparu car l’on sait désormais « faire croître » séparément les parties les plus utiles des animaux, où microbes et bactéries sont sélectionnés et cultivés comme des plantes et où de nouveaux aliments « synthétiques » sont consommés pour le plus grand plaisir de tous. Mais Churchill refusait de croire que nous pourrions nous satisfaire de quelques pilules en guise de repas à la table de nos dîners.
Car manger n’est pas tant un phénomène naturel (nutritionnel) qu’une construction culturelle complexe, rebelle à toute généralisation. L’acte alimentaire est d’abord un fait de société. C’est un phénomène total. Du génome à l’assiette, des algorithmes d’apprentissage profond à la « cuisine cognitive », de la street food au succès des séries télévisées, nous assistons à un fourmillement sans précédent d’initiatives, d’expérimentations, de nouveaux concepts. Une inventivité portée par des avancées scientifiques, technologiques, logistiques et commerciales majeures qui bouleversent profondément nos habitudes alimentaires et plus généralement nos modes de consommation. A une époque où l’innovation se niche dans tous les interstices de nos pratiques alimentaires, les cadres traditionnels d’analyse sont aujourd’hui dépassés. Comprendre les évolutions de nos assiettes mobilise de nouvelles « catégories d’analyse » de nos modes de vie et de consommation.
Le Food Innovation Report présente ces nouvelles catégories qui permettent de comprendre les transformations en cours de nos comportements alimentaires. Aujourd’hui, les innovations food, qu’elles soient individuelles ou collectives, publiques ou entrepreneuriales, émergent et se déploient au sein d’écosystèmes complexes où s’entremêlent les échelles géographiques, le local et le global, les sciences de la vie et les sciences de la société.